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entreprenariat : rebondir après un échec

Les mentalités peinent à évoluer pour considérer que l’échec en entreprise est une expérience comme les autres. Le rebond est pourtant possible, à travers la formation, le retour au salariat ou la reconversion.

Repères

1 900

Nombre de défaillances d’entreprises enregistrées en Alsace en 2014.Source: Altares

80%

Pourcentage des entreprises placées en liquidation judiciaire en cas de cessation de paiement. Source: Altare

 

Honte, solitude, culpabilité. Ces trois sentiments reviennent dans tous les témoignages de chefs d’entreprises confrontés à un échec entrepreneurial. En France, cela reste une expérience taboue, en particulier la liquidation judiciaire (1).
« Pourtant ces chefs d’entreprises ne sont ni des voyous, ni des incapables. Juste des personnes qui n’ont pas su évaluer un problème ou prendre la bonne décision stratégique. Souvent, la crise économique joue. Parfois c’est simplement la faute à pas de chance (2), un retournement de marché par exemple, » résume Évelyne Gall-Heng mandataire judiciaire à Strasbourg.

Les raisons d’un tabou

Cette vision très négative s’explique avant tout par les conséquences humaines et financières d’une liquidation judiciaire. Évelyne Gall-Heng reprend : « Dans les pays anglo-saxons, les entreprises ont un ou deux créanciers, généralement des banques. Chez nous, la fermeture d’une entreprise impacte toute une kyrielle de fournisseurs. » Voire de ­sous-traitants et de clients, sans parler des employés licenciés, un drame que personne ne conteste. Avant même la cessation de paiement, les chefs d’entreprises en difficultés n’osent pas en parler, par crainte d’entraver une éventuelle reprise ou de s’aliéner le soutien de leur banque. Or, plus une société prend en charge ses difficultés tôt, plus ses chances de s’en sortir sont élevées. Le tabou autour de la liquidation judiciaire contribue donc… à les alimenter.

Comprendre l’échec avant de rebondir

Les difficultés ne s’achèvent pas avec la fin de l’entreprise, bien au contraire. Dans les bureaux d’un cabinet d’audit, l’association 60 000 Rebonds accompagne ces anciens dirigeants d’entreprises confrontés à la liquidation judiciaire. « Certains y ont investi tout leur temps, ou leur argent, et se retrouvent du jour au lendemain dans une solitude totale. Elle se couple avec un sentiment de honte et de culpabilité. Le tout mène parfois au divorce et à la dépression, » explique Georges Hakim, créateur de l’antenne 60 000 Rebonds Strasbourg. Ses 45 professionnels bénévoles aident alors le chef d’entreprise à construire un nouveau projet professionnel grâce à sept séances de coaching et un accompagnement personnalisé. « Pour surmonter l’échec, il est indispensable de le comprendre. Puis de redonner confiance aux entrepreneurs avant une reconversion, la recherche d’un poste salarié ou la création d’une nouvelle entreprise. » Tous les interlocuteurs s’accordent sur ce fait : un professionnel confronté à la liquidation judiciaire apprendra de ses éventuelles erreurs.

© Masterfile

Recréer: un choix minoritaire

Il n’existe aucune statistique sur le parcours « post-liquidation » des chefs d’entreprises. Pour Évelyne Gall-Heng, sur la plupart des dossiers suivis, « une infime partie recrée. Peut-être de l’ordre de 2 à 3%. » Jean-Denis Budin, directeur du Centre Résidentiel pour Dirigeant (lire l'article), confirme : « Il ne faut surtout pas se précipiter pour recréer. Retrouver un emploi salarié reste la meilleure solution le temps de se refaire et d’éviter les incertitudes financières. » Pour lui, forcé de vendre son entreprise suite à un retournement de marché puis licencié après des problèmes de santé, le rebond est passé par la formation. Pour l’un de ces anciens stagiaires (voir témoignage), retrouver du travail a été salvateur. « Ma précédente expérience, car je considère qu’il s’agit d’une expérience et non d’un échec, m’a poussé à me remettre totalement en question. Maintenant, je sais ce que je veux: avancer en poste et je me donne les moyens de le faire. » Avec le développement de la culture numérique, les mentalités seront peut-être amenées à évoluer : le droit à l’erreur devient une pratique pour les start-up, qui testent, échouent et recommencent.

INFOS +

L'autre ouverture pourrait venir du monde de l'enseignement : certains universités ou écoles de management, anglo-saxonens notamment, commencent à enseigner le « fail management. » Autrement dit, la gestion de crise dans une entreprise. « L'idée que l'échec est partie prenante d'une carrière, que c'est une situation que les futurs dirigeants risquent de connaître, commence à faire son chemin, » note Georges Hakim. Il cite HEC à Paris, qui dispense l'un de ces cours. L'EM Strasbourg ne compte pas ce genre d'enseignement mais l'école y réfléchit. Jean-Denis Budin s'avère moins optimiste : « Aux Etats-Unis, les professionnels qui interviennent à ce sujet voient régulièrement leurs cours déprogrammés. Peut-être est-ce un problème dans la manière de présenter les choses ? C'est pour cette raison qu'avec nos stagiaires, nous évoquons plutôt les succès dans l'échec. »

1) Le terme « faillite » reste utilisé pour parler d’une cessation de paiement mais il n’est plus valable juridiquement.

(2) Les cas évoqués dans ce dossier ne comprennent pas les cas frauduleux.

L.D.     

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SOS Entreprises • 03 89 20 21 06 • juridique@colmar.cci.fr

12/05/2015Partager