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Annegret Kramp-Karrenbauer  : l’avenir de l’Alsace se joue dans sa proximité avec le Rhin Supérieur

La Ministre-Présidente du land de la Sarre s'est fixé pour objectif de faire de sa région le premier espace plurilingue d'Europe.

© Carsten Simon

Vous êtes à l’initiative du projet de stratégie « France » pour le Land de Sarre. En quelques mots, expliquez-nous les contours du projet, ses perspectives, les résultats attendus ?

A. K. • Les grands axes d’une « Stratégie France » pour la Sarre ont été définis par le Gouvernement de la Sarre le 21 janvier 2014. L’objectif est double : développer les compétences interculturelles des Sarrois, et communiquer sur cette ambition en France et dans les autres länder allemands. Nous souhaitons créer, en une génération, un espace plurilingue performant. Ce sera le premier de la République Fédérale d’Allemagne. Le français prendrait sa place en tant que langue « véhiculaire » supplémentaire aux côtés de l’allemand, la langue maternelle officielle. Mais le plurilinguisme n’est pas une fin en soi, il servira de base à la construction d’une région européenne de référence, une région forte au cœur de l’Europe.
Notre devise : « plus de langues, plus d’opportunités ». Forte des liens économiques étroits déjà entretenus avec la France, la Sarre se considère comme une passerelle entre la France et l’Allemagne. 106 filiales et succursales d’entreprises françaises sont enregistrées en Sarre, employant 3000 personnes. De l’autre côté, ce sont 67 entreprises sarroises avec 119 succursales qui sont établies sur le marché français.

Le plurilinguisme à développer pour la génération à venir et les compétences interculturelles qui y seront associées seront décisifs pour atteindre nos objectifs. La Stratégie France ne promeut pas seulement l’apprentissage de la langue française en tant que langue véhiculaire. Dans une économie toujours plus complexe et mondialisée, elle favorise également l’apprentissage de la langue anglaise ainsi que d’autres langues étrangères. L’anglais ne profitera que si l’apprentissage du français commence le plus tôt possible – en Sarre, il débute dans certaines crèches et surtout dans les écoles maternelles, bilingues à 40% et employant du personnel de langue maternelle française. Dans les écoles primaires, le français est enseigné à partir de la 3e année et à partir du cours préparatoire dans un tiers des écoles primaires et secondaires. Avec un taux de 60%, nous détenons en Sarre le pourcentage le plus élevé d’élèves apprenant le français de toute la République Fédérale d’Allemagne. In fine, l’opération Stratégie France devrait permettre une montée en puissance de la coopération transfrontalière, avec notamment des projets de cluster dans le domaine du numérique, des matériaux, de l’automobile, et un élargissement du marché de l’emploi.

En quoi votre stratégie concernera-t-elle plus particulièrement l’Alsace ? Quels sont les outils que vous comptez développer à cet effet ?

A. K. Nous avons mis en place une procédure de consultation pour la mise en place de la Stratégie France, et sommes en contact avec de nombreux interlocuteurs politiques et économiques alsaciens. Compte tenu de ses expériences historiques, de sa situation géographique et de son haut niveau de compétences interculturelles, l’Alsace est un partenaire important de la Stratégie France. En janvier dernier, une délégation économique sarroise a visité Strasbourg. Ce fut un échange fructueux avec des représentants de l’économie alsacienne et le point de départ pour une coopération approfondie entre nos deux régions. À l’occasion d’une prochaine manifestation, nous réunirons des initiatives transfrontalières exemplaires, politiques, économiques, civiques et interculturelles. L’ensemble des acteurs franco-allemands seront invités à y participer.

Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’Alsace ? Son économie ? Sa réputation… Les mentalités de ses habitants ?

A. L. • Sa situation au cœur de l’Europe est un atout pour l’économie alsacienne, fortement orientée vers l’international. C’est une région dynamique, marquée par une grande diversité de ses secteurs industriels, un tertiaire florissant et de merveilleux sites touristiques qui attirent de nombreux visiteurs internationaux. Et à mes yeux, la région doit son dynamisme à ses habitants. Ils allient tradition et modernité, plaisir et excellence internationale, forgeant ainsi une marque forte.

Propos recueillis par Françoise Herrmann

Infos+Annegrett Kramp-Karrenbauer, Ministre-Présidente du Land de la Sarre

Une coopération transfrontalière renforcée

La rencontre du 22 janvier 2014 à Strasbourg, Annegret Kramp-Karrenbauer, Ministre-Présidente du Land de Sarre, a montré sa volonté de renforcer la coopération qui réunit le Land de la Sarre et l’Alsace. L’échange avec le président de la Région Alsace, Philippe Richert, le président de la CCI de Région Alsace, Jean-Louis Hoerlé, et le président de la Fondation Entente Franco-Allemande, Jean-Georges Mandon, a montré que les deux régions, déjà engagées dans des démarches convergentes, se montrent déterminées aujourd’hui à exploiter toutes les opportunités issues de leur situation frontalière. Que ce soit dans le domaine de la formation –et notamment par alternance, de la coopération frontalière ou du développement économique. Comme l’Alsace, la Sarre souhaite développer un espace trilingue fortement ancré dans le bassin rhénan. L’échange qui s’est tenu dans les locaux de la Maison de la Région a été l’occasion d’évoquer les nouvelles perspectives qu’offre la réforme territoriale puisque la Sarre est voisine de la nouvelle région qui rassemblera l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne. Pour Jean-Louis Hoerlé, qui milite depuis douze ans pour la coopération transfrontalière, il s’agit aujourd’hui de « réussir l’intégration progressive des économies qui forment le Rhin Supérieur, de créer les conditions d’une croissance plus forte ainsi que des emplois nouveaux ».

Parmi les projets évoqués par Annegret Kramp-Karrenbauer et Philippe Richert, l’intégration par la Sarre du Bureau Alsace Europe à Bruxelles, récemment acheté par la Région Alsace, « pour mieux défendre les intérêts communs de l’Alsace et de la Sarre ». Et pourquoi pas, en étendant cette représentation à la Lorraine et à la Champagne-Ardenne. « Une façon de montrer à la Commission Européenne que nous disposons de structures concrètes et de bénéficier d’opportunités de financements pour la coopération transfrontalière ». La stratégie France pour la Sarre Ce document cadre bilingue d’une quarantaine de pages vise à entretenir et à développer les liens avec la France et à faire du français la deuxième langue officielle du Land. Cette stratégie ambitieuse s’inscrit aux côtés de la volonté de la Sarre de préserver son indépendance et de maîtriser les dépenses publiques. Pour atteindre son objectif, la stratégie repose sur plusieurs niveaux : la consolidation des compétences interculturelles vis-à-vis de la France, l’amélioration des conditions d’accueil des institutions et entreprises franco-allemandes déjà présentes ou à venir et la promotion de l’apprentissage du français.

09/03/2015Partager