Agriculture

Ange Loing, Président de la Chambre d'agriculture d'Alsace

Renouvellement des générations, circuits courts, préservation de l’eau : les défis de l’agriculture alsacienne sont nombreux. Ange Loing, éleveur et président du magasin collectif Cœur Paysan, plaide pour une meilleure reconnaissance du rôle des agriculteurs dans notre quotidien. À ses yeux, l'innovation et la transmission sont les clés pour bâtir une agriculture durable.

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Ange Loing

Ange Loing

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Quels sont les principaux défis pour nos agriculteurs alsaciens ?

Le premier défi c’est le renouvellement des générations. Sur près de 10 000 chefs d’exploitations en Alsace, la moitié a plus de 50 ans. Notre Chambre d’agriculture propose un dispositif complet à l’installation avec des formations, un business plan, des aides jusqu’à 40 000 € et un suivi à quatre ans. Nous devons attirer plus de jeunes et continuer à préparer les aînés à céder leur affaire. Le second défi, c’est de faire comprendre à tous que la vocation de l’agriculture c’est la production, même si on tend vers une agriculture raisonnée. Le consommateur a besoin d’un agriculteur trois fois par jour pour se nourrir. Il y a 50 ans, la compréhension des enjeux du monde agricole était plus évidente, car tout le monde avait un parent agriculteur dans sa famille. Enfin, il y a le défi de la préservation de l’eau. En Alsace on est assis sur l’une des plus grandes réserves d’eau souterraine d’Europe, mais cela ne doit pas nous dispenser de gérer au mieux et de partager sans ambiguïté cette ressource entre les citoyens, le monde agricole et l’industrie.

Les circuits courts sont de nature à créer ces nouveaux liens entre producteurs et consommateurs ?

Oui bien sûr. Il existe de nombreux modèles de circuits courts en Alsace et je suis moi-même président du magasin collectif Coeur Paysan à Mulhouse. Il est important de créer un lien direct entre le consommateur et l’agriculteur : c’est la fin de l’anonymat alimentaire. Nous travaillons également avec les industries agro-alimentaires locales comme Alelor, Alsace Lait, Colin et bien d’autres encore, qui offrent des débouchés à nos producteurs. Ce qui nous préoccupe, c’est le sujet de la restauration hors domicile. Nous voulons amener les collèges, lycées, EHPAD et restaurants d’entreprises à jouer davantage la carte des circuits courts. Il y a déjà de très belles collaborations et nos producteurs sont motivés pour aller plus loin, mais il manque probablement un maillon pour que le consommer local devienne un vrai réflexe.

Il est important de créer un lien direct entre le consommateur et l’agriculteur : c’est la fin de l’anonymat alimentaire.
Ange Loing, Président de la Chambre d'agriculture d'Alsace

L’innovation technologique peut-elle améliorer la durabilité et la rentabilité des exploitations ?

L’innovation gagne du terrain lors de chaque investissement, au même rythme que dans les autres secteurs d’activités. Dans mon domaine qui est celui de l’élevage - avec un cheptel de 100 têtes à Lapoutroie, dont 45 vaches laitières - les robots de traite seront généralisés d’ici à quinze ans. Il y a déjà des dispositifs automatisés pour gérer l’alimentation et chez nos céréaliers, les tracteurs roulent en toute autonomie dans les champs grâce au GPS. L’automatisation des tâches contraignantes et répétitives va rendre nos métiers plus attractifs. C’est une évolution essentielle pour trouver de futurs agriculteurs non issus du monde agricole. Il y a bien sûr aussi des enjeux de compétitivité et d’impacts : mieux nourrir, mieux traiter, mieux arroser… Une compétitivité qui est malheureusement mise à mal par l’incertitude politique nationale et les taxes sur les échanges internationaux. Il faudrait que les politiques comprennent enfin que le monde économique ne peut pas naviguer à vue.

Publié le 23 mai