Au-delà du Rhin

TPE/PME : approcher un marché voisin, quelles réalités ? 

Se lancer sur le marché allemand quand on est une TPE ou une PME française ressemble au départ à une montagne infranchissable. Comment approcher des prospects, recruter, s’y retrouver dans les couches administratives ? Les questions sont nombreuses et trouvent heureusement réponse auprès des chambres consulaires françaises et allemandes.

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Les locaux du Rhein Business Center de la CCI Alsace Eurométropole, au cœur de Strasbourg.

Les locaux du Rhein Business Center de la CCI Alsace Eurométropole, au cœur de Strasbourg.

©DR

Lorsque l’on souhaite approcher le marché voisin, l’erreur la plus commune est de croire qu’il suffit de faire un copier – coller de son offre » signale Frédéric Berner, directeur général de la CCI France Allemagne (Chambre de Commerce et d’Industrie française en Allemagne). En effet, il faut au préalable bien analyser la demande, adapter son offre, identifier les réseaux de distribution… Ce n’est seulement qu’après que viennent les démarches administratives. Alors, pour les entrepreneurs qui souhaitent tester le marché voisin, nul besoin – du moins au départ – de poser ses valises de l’autre côté de la frontière ; la domiciliation virtuelle d’un bureau de liaison peut suffire. C’est bien ce que propose la CCI Alsace Eurométropole pour les entreprises allemandes avec son « Rhein Business Center » en plein cœur de Strasbourg. Formalités d’enregistrement, domiciliation, accueil et conseil aux domiciliés, réception et renvoi de courrier, ligne téléphonique française, location d’espaces de travail équipés : cette offre complète et adaptée vient lever de nombreux freins bureaucratiques. « Grâce à des explications en langue allemande lors des formalités, je facilite les démarches pour l’entrepreneur allemand » ajoute Stefanie Korth, juriste spécialisée en droit franco-allemand à la CCI Alsace Eurométropole.

Une boîte à outils

Ce service existe également de l’autre côté du Rhin. Mis en œuvre par la CCI France Allemagne*, il se présente comme une boîte à outils pour tester le marché allemand et y réussir. Une équipe de 40 collaborateurs bilingues propose aux entreprises françaises un service de prospection commerciale, de gestion administrative et financière, mais aussi un accompagnement à la création d’une antenne commerciale légère, et si nécessaire, le recrutement de personnel local. Une fois « mûres », la majorité d’entre elles installe une filiale sur le sol allemand, un exercice, là aussi soutenu et accompagné par la CCI France Allemagne. « L’Allemagne est un marché qui se prête à cette approche progressive de par la flexibilité de son tissu économique composé majoritairement de PME familiales, et par la décentralisation de ses acteurs économiques » éclaire Frédéric Berner. Mais selon lui, le véritable frein réside dans la maîtrise de la langue allemande. « On peut toujours échanger en anglais, mais lorsqu’on est peu connu et que l’on ne possède que peu de références, la langue devient un obstacle supplémentaire ».

Les contraintes des travailleurs détachés

Pour 64 % des entreprises allemandes interrogées par l’IHK Südlicher Oberrhein**, les démarches à réaliser pour les travailleurs détachés représentent une charge de travail considérable. Si bien que certaines d’entre elles décident même de renoncer à travailler avec la France pour cette raison ! Concrètement, l’entreprise doit compléter des formulaires spécifiques : le certificat A1 relatif à la couverture de protection sociale, et la déclaration préalable qui spécifie les conditions du détachement. « Sans ces documents, et en cas de contrôle, l’entreprise est contrainte de verser 4 000 euros d’amende par travailleur détaché, et 4 000 euros supplémentaires si un représentant (obligatoire pour tout détachement vers la France) n’a pas été désigné », précise Frédéric Carrière, Chargé des marchés étrangers et des douanes à l’IHK Südlicher Oberrhein.

Vers une entreprise frontalière ?

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018*** offre néanmoins un allégement de ces démarches. Les visites de salons, les réunions et formations internes, les enlèvements et les livraisons de marchandises ne sont ainsi pas concernés par la déclaration préalable et la désignation de représentant. « Les employeurs sont par contre toujours contraints d’emporter le certificat A1, et de respecter les droits des travailleurs détachés » nuance Frédéric Carrière. Cette problématique est prise à bras-le-corps par les élus locaux, dont la députée Brigitte Klinkert. Son rapport sur les problématiques rencontrées par les Français vivant dans l’Hexagone en zone frontalière recommande un allègement plus poussé de ces formalités. Et le rapport va même plus loin en préconisant, sous l’impulsion de René Ohlmann, vice-président de la CCI Alsace Eurométropole et de l’IHK Karlsruhe, la création d’un statut d’entreprise frontalière. Cette dernière pourrait alors exercer de part et d’autre du Rhin, sans être contrainte de recourir aux procédures de détachement : une nouvelle manière de tisser des liens.

DES OPPORTUNITÉS POUR LES COMMERÇANTS EN ALLEMAGNE ?

Si les grandes enseignes nationales se sont depuis longtemps installées en Allemagne, rien n’empêche a priori les commerçants indépendants à faire de même. Bien souvent, c’est l’enthousiasme des clients allemands qui encourage les commerçants français à traverser la frontière. C’est exactement cela qui donne aujourd’hui envie à Donatien Fehr, spécialisé dans les éclairs aux recettes raffinées et originales, d’ouvrir une adresse à Freiburg, en plus de ses boutiques à Strasbourg et Paris. Pour Frank Rotter, directeur de la coopération transfrontalière et de projets de développement économique à la CCI Alsace Eurométropole, l’idée est aussi d’associer plusieurs commerçants pour créer des corners en Allemagne. « Et répondre ainsi, ensemble, aux besoins des clients allemands » éclaire-t-il.

Sources :
*ccifrance-allemagne.fr
**Enquête menée par l’IHK Südlicher Oberhein sur la France comme partenaire commercial en Europe 2024
***Frankreich Entsendung - IHK Südlicher Oberrhein

Publié hier à 5h00