Taxe R-Pass

Gestion du trafic des poids lourds dans le Rhin Supérieur

Entre la taxe sur les poids lourds déjà mise en place il y a presque 20 ans en Allemagne et la nouvelle taxe alsacienne récemment votée, quelles sont les conséquences sur le trafic et sur l’économie locale ? Quelles solutions pour réguler le trafic routier dans le Rhin supérieur ?

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La gestion du trafic routier est un sujet qui impacte tous les habitants du territoire du Rhin supérieur et en particulier les acteurs économiques. Les poids lourds sont particulièrement dans le viseur puisqu’ils sont accusés de dégrader les routes, de polluer, de générer des nuisances sonores et d’encombrer fortement les réseaux routiers. Même si des poids lourds électriques commencent à voir le jour et d’autres solutions logistiques font l’objet de discussions, le transport logistique européen reste à ce jour largement assuré par les poids lourds thermiques.

Pour financer l’entretien des réseaux routiers, l’Allemagne a déjà mis en place, depuis 2005, la Lastkraftwagen (LKW) Maut. Au prix de 0,34 € par kilomètre parcouru, elle concerne depuis le 1ᵉʳ juillet 2024 les véhicules de plus de 3,5 tonnes. La LKW Maut est calculée en fonction du nombre de kilomètres parcourus, de la classe de l’émission de CO2 du véhicule et du type de route empruntée. Avec une recette de plusieurs milliards d’euros par an, cette taxe nationale est largement réinjectée dans l’entretien et l’extension du réseau routier.

La taxe R-Pass

Presque 20 ans après l’instauration de cette taxe allemande, la Collectivité européenne d'Alsace (CeA) a décidé d'instituer une taxe similaire connue sous le nom de "R-pass" (taxe poids lourds pour le trafic en transit). Concrètement, cette taxe kilométrique s’applique aux camions de plus de 3,5 tonnes circulant sur les autoroutes alsaciennes A35 et A36, ainsi que sur quelques routes secondaires stratégiques reliant ces axes à l’Allemagne. Le tarif fixé à ce jour est de 0,15 € par kilomètre parcouru. Pour la CeA, cette nouvelle taxe a plusieurs objectifs : la réduction du trafic de transit poids lourds, une meilleure sécurité et fluidité sur le réseau, une réduction de la pollution atmosphérique et sonore, une réduction de la dégradation des routes, et enfin, une contribution des poids lourds aux coûts d’entretien des routes. Votée en octobre 2024, elle sera mise en place dès 2027.

Levée de boucliers

Pour le Président de l’UIMM (Union des Industries et Métiers de la Métallurgie), Fabrice Urban, la taxe R-Pass est une mauvaise réponse à une vraie question : comment baisser le trafic de transit ? « Entre 0,15 € par kilomètre parcouru du côté français contre 0,34 € du côté allemand, cette taxe ne sera pas dissuasive pour les transporteurs en transit ! » s’indigne-t-il. Pour lui, elle va essentiellement pénaliser les industriels locaux, qui n’ont d’autres choix que de transiter par les routes alsaciennes pour réaliser leurs livraisons. Cette opinion est largement partagée par Michel Chalot, Président de la Fédération Nationale des Transports Routiers d’Alsace, qui est convaincu que le tarif actuellement fixé sera revu à la hausse : « Les 0,15€ ne sont que la première étape pour progressivement s’aligner sur les tarifs allemands ».

Pour ces représentants du monde économique, cette taxe additionnelle viendra forcément impacter la capacité des entreprises locales à investir et à embaucher. Pour contrecarrer ce scénario catastrophe, Fabrice Urban ne voit que deux solutions : renoncer à cette taxe ou prévoir des aides compensatoires directes aux entreprises en collaboration avec la Région Grand Est.

D’autres solutions à long terme ?

Mais au-delà d’un aspect purement financier, comment faire pour réduire le trafic routier des poids lourds en France comme en Allemagne ? Pour beaucoup, la solution réside dans les autoroutes ferroviaires. C’est en tout cas pour cette solution qu’a opté l’Espagne en inaugurant en juillet dernier une toute nouvelle ligne de transport ferroviaire de semi-remorques entre Valence et Madrid.

Ce mode de transport permet en effet de réduire la congestion routière, la dégradation des réseaux et l’impact sur l’environnement, mais elle nécessite néanmoins de forts investissements. Sans oublier bien sûr le mode fluvial avec le Rhin, notre autoroute fluviale, la voie navigable accueillant le plus de trafics à l’échelle européenne.

En chiffre
130 000 – Dans la région du Rhin supérieur, le secteur du transport de marchandises et de la logistique représente 130 000 emplois sur un total d’environ 3,2 millions d’emplois (4 %).

14 000 – 13 à 14 000 camions circulent chaque jour sur les deux autoroutes parallèles au Rhin : l’A35 française et l’A5 allemande.

276 millions de tonnes de marchandises ont été transportées sur le Rhin en 2023.

Publié le 5 févr. | Mis à jour le 4 mars