Création-reprise d'entreprise

Ce que veulent les financeurs

Et si vous pouviez lire dans la tête des financeurs ? Banquiers, investisseurs, plateformes de crowdfunding… Tous ces acteurs qui décident d’enterrer votre projet ou de lui donner des ailes. Benjamin Gonzales était banquier dans une autre vie et il vous révèle tout ce que les financeurs pensent vraiment.

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« Pour démarrer, je table sur un prêt bancaire de 40.000 euros. »  

Je hoche la tête poliment et je me dis en aparté : « Plan mal équilibré, aucune articulation entre les sources de financement. » Il faut savoir que le financement ne repose jamais sur un seul levier. Les options sont nombreuses, mais elles doivent être combinées intelligemment. On distingue généralement trois grandes familles :

·         Les fonds propres : apport personnel, love money (en provenance des proches), investissement en capital par des business angels ou des fonds d’amorçage. Ces derniers prennent une participation dans l’entreprise en échange de leur apport financier.

·         Les financements externes sous forme de dette : prêts bancaires, crédit-bail ou leasing. Ces solutions nécessitent une capacité de remboursement solide et bien souvent des garanties.

·         Les aides et dispositifs d’accompagnement : les prêts d’honneur (taux zéro, sans garantie), les subventions, les concours, ou encore les aides des collectivités. Ces dispositifs permettent souvent de sécuriser les premières étapes du projet ou de renforcer un plan de financement.

Le choix du bon financement dépend de plusieurs facteurs, comme la nature de l’activité et le modèle économique. Un projet de commerce de proximité s’orientera plutôt vers un montage classique combinant apport personnel, prêt d’honneur et emprunt bancaire. À l’inverse, un projet innovant ou à fort potentiel de croissance pourra s’appuyer sur une levée de fonds ou des concours spécialisés. Un bon plan de financement est rarement monolithique. Il combine ces leviers pour répartir les risques et renforcer la crédibilité du projet.

 

« Je suis prêt à vendre mon appart et mettre mes bijoux au clou ».  

L’absence d’apport personnel n’est pas rédhibitoire, mais elle nécessite une stratégie réaliste et crédible. Dans ce cas, j’oriente d’abord vers les dispositifs d’aides accessibles : prêts d’honneur (Initiative, Réseau Entreprendre...), microcrédit, aides régionales, ou dispositifs comme l’ACRE selon le profil. Ensuite, il est essentiel de valoriser les apports immatériels : savoir-faire, matériel déjà disponible, réseau personnel ou professionnel, mise à disposition de locaux… Ces éléments peuvent peser dans la balance face à des partenaires financiers.

Dans certains cas, j’encourage une montée en charge progressive : tester l’activité dans un cadre souple (cuisine partagée, local mutualisé, prestations ponctuelles...), réduire les charges fixes au maximum, et démontrer rapidement la viabilité économique. L’objectif est de créer un premier socle de financement solide, même modeste, qui permettra ensuite de solliciter un prêt bancaire.

Le prêt d’honneur peut vraiment changer la donne. Non seulement il complète l’apport personnel, mais il apporte de la crédibilité au projet qui a été validé en amont par un jury pluridisciplinaire. Le créateur a déjà fait ses preuves : il a élaboré un business plan solide, passé un oral exigeant, répondu aux questions des juristes, des experts-comptables et d’autres chefs d’entreprise. S’il a décroché le prêt d’honneur, c’est qu’il a franchi les épreuves de qualification. Il arrive à la banque mieux préparé et beaucoup plus convaincant. C’est, à mes yeux, l’un des outils les plus puissants à la disposition du porteur de projet. Il permet de structurer et de crédibiliser le projet… à taux zéro !

 

« J’ai bétonné mon prévisionnel ».

C’est déjà un bon début, mais les financeurs ne veulent pas seulement des chiffres. Ils évaluent un projet à trois dimensions. Tout d’abord, ils s’intéressent au porteur de projet : son parcours, ses compétences, son engagement personnel et sa capacité à diriger une entreprise. Ensuite, ils examinent le projet proprement dit : sa pertinence sur le marché, son positionnement, la stratégie envisagée et les éléments de différenciation. Enfin, ils se se penchent sur les prévisions financières : le plan de financement, les prévisionnels, le besoin en fonds de roulement, la capacité à rembourser ou à générer de la rentabilité…

Les priorités varient selon le type de financeur. Les banques examinent en priorité la capacité de remboursement, la solidité du plan financier, les garanties et la gestion des risques. Les investisseurs s’intéressent davantage au potentiel de croissance, à la « scalabilité » du modèle, à la dynamique de l’équipe et à l’innovation portée par le projet. Les plateformes de crowdfunding sont sensibles à la capacité à communiquer, à fédérer une communauté et à susciter l’adhésion autour de la proposition de valeur.

Ce que veulent les financeurs ? Ils veulent comprendre, être rassurés, croire au projet et à la personne qui le porte. Ce n’est pas une affaire de chance ou de jargon financier, mais de cohérence, de stratégie et de vision. Le financier voudrait dire oui. Il faut lui faciliter la tâche.

Publié le 3 juill.