GÉOTHERMIE 

La bande rhénane au centre de toutes les attentions 

Du fait de sa composition géologique, la bande rhénane est un terrain particulièrement favorable à la géothermie. De nombreuses entreprises se sont lancées sur ce marché, qui offre une alternative durable au fioul et au gaz. Focus sur les avantages, les opportunités, mais aussi les craintes que cette filière engendre. 

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Usine d’optimisation de l’extraction de lithium de Vulcan Energy à Insheim, une première en Europe

Usine d’optimisation de l’extraction de lithium de Vulcan Energy à Insheim, une première en Europe

© DR

La géothermie est considérée comme une source d’énergie inépuisable et renouvelable. Elle permet de chauffer des habitats, de produire de l’électricité et même de récupérer des matériaux rares. Technique utilisée depuis l’Antiquité, elle est particulièrement répandue aux États-Unis, en Indonésie et aux Philippines. En France, la géothermie représente seulement 1,7 % de la production primaire d’énergies renouvelables*. Un faible pourcentage que le gouvernement français souhaite faire évoluer, en augmentant de 40 % le nombre de projets de géothermie profonde d’ici 2030. Du côté allemand, le besoin de décarboner ses activités est devenu nécessaire, voire vital. Fortement dépendant du gaz et du charbon, le pays n’a d’autre choix que de booster les énergies renouvelables, dont la géothermie. « L’Allemagne mène une politique très ambitieuse avec déjà 42 projets de géothermie profonde en état de fonctionnement », observe Philippe Dumas, secrétaire général de l’association internationale European Geothermal Energy Council (EGEC). La France, de son côté, est relativement moins sous pression, en raison de son important parc nucléaire**

Une géologie commune 

La forme de géothermie la plus connue du grand public est celle à très basse température, utilisée pour les chauffages domestiques via des pompes à chaleur. Vient ensuite la géothermie moyenne température destinée aux réseaux de chaleur. Enfin, la géothermie haute température permet, quant à elle, de produire de la chaleur industrielle et/ou de l’électricité. Et c’est cette catégorie de géothermie qui est particulièrement présente en Alsace et dans le Bade-Wurtemberg. Ces territoires liés au fossé d’effondrement du Rhin détiennent une géologie très favorable à cette activité : leur réseau de cavités permet à l’eau de pluie de s’infiltrer et de se réchauffer au contact des roches. « La production de chaleur et/ou d’électricité se réalise grâce à une boucle géothermale qui capte l’eau chaude présente dans le sous-sol et la réinjecte dans son milieu naturel, après y avoir prélevé les calories nécessaires », explicite Mohamed Hamdani, directeur du Développement Industriel et des Relations Territoriales chez ÉS. 

Chaleur et électricité géothermales 

En Alsace, les deux centrales de géothermie haute température en activité sont développées et gérées par Électricité de Strasbourg. L’historique, celle de Soultz-Sous-Forêts, produit exclusivement de l’électricité. La deuxième, située à Rittershoffen, produit, quant à elle, de la chaleur au profit de l’usine Roquette. « Elle permet de couvrir 25 % des besoins en chaleur de l’usine », complète Mohamed Hamdani. L’objectif ? Doubler l’activité des deux centrales et en installer une nouvelle du côté de Wissembourg, qui produira aussi bien de l’électricité que de la chaleur. Toujours en Alsace du Nord, la société Lithium de France a démarré plusieurs opérations d’étude et d’exploration sur le terrain. Un forage devrait démarrer dans les prochains mois. Le Centre-Alsace, du côté d’Erstein, joue également la carte de la géothermie avec l’entreprise Würth France qui a récemment investi dans un réseau de chaleur. « Ce système lui permet d’alimenter l’ensemble de ses bâtiments et d’économiser ainsi jusqu’à 2/3 de ses consommations électriques pour le chauffage et le rafraîchissement », ajoute Vasil Yanev, directeur général d’ÉS Services Énergétiques, filiale du groupe ÉS. Dans le sud de l’Alsace, un projet similaire est en cours de développement. La société Vulcan Energy souhaite en effet délivrer de la chaleur au site industriel de Stellantis (anciennement PSA) pour lui permettre d’accélérer sa décarbonation. Mais c’est bien de l’autre côté du Rhin que l’entreprise Vulcan Energy est la plus avancée. « Nous possédons une centrale à Insheim et et l’exclusivité pour la production de lithium à la centrale géothermique de Landau, toutes deux opérationnelles », ajoute Alexandre Richard, Business Development Manager France chez Vulcan Energy. Mais cette société germano-australienne n’est pas la seule à se placer sur le marché allemand de la géothermie. D’autres acteurs, tels que l’historique Energie Baden-Würtemberg AG (EnBW) tirent également leur épingle du jeu. 

Une cartographie européenne 

Ces nombreux projets illustrent bien la dynamique autour de l’activité géothermique des deux côtés du Rhin. Mais parfois, cette dernière cause des séismes qui impactent les populations, comme ce fut le cas à Strasbourg en 2020. Un rapport diligenté par la Préfecture du Bas-Rhin pointe la responsabilité de l’entreprise GéoRhin (anciennement Fonroche), qui aurait mal évalué le risque de sismicité. Un épisode qui a largement écorné l’image de la géothermie auprès du grand public… Pour le président de l'association française des professionnels de la géothermie (AFPG), Jean-Jacques Graff, ce n’est pas la technologie, mais la façon de faire qui est à remettre en cause. « Peu de gens le savent, mais en France, un million de personnes sont alimentées par la géothermie profonde pour leurs besoins en chaleur », partage-t-il. Suite à ces problématiques sismiques, de nouvelles règlementations et recommandations ont vu le jour. Si chaque pays se réfère à son code minier, l’Europe souhaite progressivement mettre en place un cadre règlementaire commun et dresser une cartographie de la géologique européenne. « C’est ensemble que nous pourrons développer cette filière durable et pleine d’avenir », indique Philippe Dumas.

Le lithium, une opportunité du bassin rhénan

Considéré comme le pétrole du XXIème siècle, le lithium est un matériau rare très demandé, car nécessaire à la production de batteries. On le retrouve dans les roches, la saumure et l’argile, et il se récupère notamment dans l’eau extraite de la géothermie. Aujourd’hui, plusieurs acteurs économiques se sont lancés sur ce marché porteur des deux côtés du Rhin. En France, on compte l’historique ÉS-Géothermie associé à Eramet, mais aussi Lithium de France, Géolith, Vulcan Energy… Ce dernier a d’ailleurs finalisé du côté allemand la construction d’une usine d’optimisation de raffinage du lithium. Avec son usine d’extraction du lithium à Landau, Vulcan devient le premier démonstrateur européen, couvrant l’intégralité de la chaîne de valeur du lithium géothermal. L’objectif ? En extraire 24 000 tonnes par an.

Publié le 12 sept. 2024 | Mis à jour le 18 nov. 2024